AGES

 

 Catastrophes, menaces et risques naturels

Natur und Umwelt: Risiken, Gefahren und Katastrophen

 

Congrès de l'AGES  -  10-12 juin 2021  -  MSH Clermont-Ferrand

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« Un trône qui s'effondre est comme une montagne qui s'écroule et s'écrase sur la plaine [...] » : l'imaginaire romantique des séismes et éruptions volcaniques à l'épreuve du ‘politique'
Patricia Desroches-Viallet  1  
1 : Université Jean Monnet [Saint-Étienne]
université Jean Monnet

Nous inspirant de l'exemple offert par le tableau de C.D. Friedrich La Mer de glace (ou « Le naufrage de l'espoir »), opérant une conjonction singulière dans la production du peintre entre paysage et histoire, nous nous proposons de réfléchir à la place et à la fonction des métaphores empruntées au domaine des catastrophes naturelles (essentiellement celles que provoquent les secousses sismiques et/ou volcaniques) dans le discours ‘politique' du romantisme allemand. Parler d'une révolution comme d'un séisme politique semble aujourd'hui relever du cliché ; dès les dernières décennies du XVIIIème siècle toutefois, en lien étroit avec la survenue de nombreux cataclysmes (notamment ceux qui se produisirent en chaîne tout au long de l'année 1783, comme en Sicile et Calabre secouées par cinq tremblements de terre successifs entre février et mars), le recours aux métaphores naturelles pour donner corps aux soubresauts de l'Histoire s'intensifie, surtout à l'approche de cette onde de choc qui ébranle la France (et l'Europe) en 1789. De G. Forster à F. Görres, en passant par les premiers romantiques (Novalis, F. Schlegel...), les images saisissantes de secousses sismiques et/ou d'éruptions volcaniques viennent à l'appui de la pensée politique, allant même jusqu'à en traduire les inflexions et brusques revirements – en particulier lorsqu'il est question de la Révolution française, « séisme presque universel » et « archétype » de toute révolution comme le formule F. Schlegel dans ses Fragments1, et de sa réception controversée outre-Rhin. Pour autant, la portée métaphorique des volcans et autres manifestations géologiques ne s'épuise pas dans une vision catastrophiste du monde à venir, à la suite des bouleversements induits par la Révolution française. Nous rappellerons pour finir la prégnance du motif du Vésuve dans la peinture de la même époque (chez C. Blechen, J. C. Dahl, F. L. Catel ou bien encore E. Agricola, dans la tradition inaugurée par J. P. Hackert à la fin du XVIIIème siècle), s'emparant massivement de cet exemple type de ‘soulèvement' naturel2 dans un registre certes bien différent (une forme de domestication esthétique aux antipodes de la démonstration politique) mais tout aussi intrinsèquement lié à la fascination qu'opèrent les manifestations spectaculaires de la « vie de la terre3 » – au-delà de toute réduction à un « imaginaire de l'effondrement » (Untergangsphantasie)4 qui serait propre au romantisme allemand.

1 « Man kann die französische Revolution [...] als ein fast universelles Erdbeben, [...] oder als ein Urbild der Revolutionen [betrachten] », F. Schlegel, Athenäums-Fragmente, in Kritische Friedrich-Schlegel-Ausgabe, éd. par E. Behler, München/Paderborn/Wien, 1962 sq., p. 16-255, cit. ici p. 247.

2 Rappelons qu'à la fin du XVIIIème siècle, le Vésuve se réveille après des siècles d'inactivité et qu'il se manifeste alors par une série d'éruptions remarquables qui se produiront jusque dans la seconde moitié du XIXème siècle.

3 Nous faisons ici référence à C. G. Carus qui, dans sa recherche (tant scientifique qu'artistique) d'un mode de représentation approprié à la restitution de la nature (essentiellement les massifs montagneux) sous son aspect le plus vivant, proposa cette expression en remplacement du terme – devenu trop « banal » à ses yeux – de paysage, créant ainsi le néologisme « Erdlebenbildkunst » ou « art de la représentation de la vie de la terre » (C. G. Carus, Neun Briefe über Landschaftsmalerei, Leipzig 1831 et, pour la traduction française de cet essai, De la peinture de paysage dans l'Allemagne romantique, traduit de l'allemand par E. Dickenherr, A.Pernet et R. Rochlitz, Paris 1983).

4 Le terme est emprunté à Florian Illies, sur les réflexions duquel nous nous appuierons pour le traitement pictural du motif du Vésuve dans la peinture romantique (« Der Vesuv als Zentralmassiv der deutschen Romantik. Zur Genese eines Motivs von Goethe bis Götzloff », in Gerade war der Himmel noch blau. Texte zur Kunst, Frankfurt/Main 2017, p. 132-143, cit. ici p. 132).


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