La fascination de la culture allemande pour les thématiques apocalyptiques et la tendance de l'opinion publique allemande à réagir de manière particulièrement vive face aux catastrophes en cours ou annoncées a déjà fait l'objet de multiples commentaires. Au cinéma, dans les arts plastiques et la littérature, la terrifiante évocation de catastrophes environnementales peut être vue comme l'expression de cette « German Angst » maintes fois ironisée, comme une sorte de repoussoir visant à solliciter une action politique et collective en vue d'empêcher que le pire n'intervienne, ou comme le résultat d'une véritable fascination jouissive nourrie, de manière plus ou moins systématique par des sentiments de culpabilité ou de toute-puissance que la prophétie chercherait en quelque sorte à exorciser.

Genre littéraire hybride empruntant à la fois aux blockbusters hollywoodiens, au roman d'anticipation, au documentaire fiction et au thriller, le thriller écologique (en allemand Ökothriller) s'est développé en Allemagne depuis la fin des années 90 notamment grâce à des auteurs à succès comme Frank Schätzing, Dirk C. Fleck et Sven Böttcher. Le plus célèbre représentant de cette tendance, Der Schwarm (2004) de Frank Schätzing, démarre par la mise en scène d'une série d'incidents et catastrophes naturelles tout d'abord incompréhensibles, qui ont lieu de manière quasi concomitante en divers endroits du globe, et aboutit à la reconnaissance de l'« yrr », un conglomérat d'organismes unicellulaires formant ensemble une intelligence supérieure à celle de l'humanité et qui se dresse soudain contre cette dernière pour se venger de son exploitation féroce de la nature et des océans.

Alliant divertissement et réflexion critique, le thriller écologique brasse de multiples références issues entre autres des classiques de la science-fiction, réactive d'anciens mythes et offre à l'évocation des catastrophes écologiques possibles une place de choix, que notre contribution tentera de préciser. En outre, nous nous interrogerons sur l'éventuelle dimension engagée de cette littérature dite « de divertissement » ainsi que la place des ouvrages retenus au sein de ce que Christian Chelebourg a appelé les « écofictions ».