AGES

 

 Catastrophes, menaces et risques naturels

Natur und Umwelt: Risiken, Gefahren und Katastrophen

 

Congrès de l'AGES  -  10-12 juin 2021  -  MSH Clermont-Ferrand

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Cendre et plomb : de la menace au désastre dans l'art allemand contemporain
Isabelle Le Pape  1  
1 : Service Art, Département Littérature et art, Bibliothèque nationale de France
Bibliothèque nationale de France

Tremblements de terre, inondations, cataclysmes, avalanches ont donné aux peintres et photographes allemands des sujets non seulement visuels mais aussi la possibilité d'élaborer une réflexion esthétique sur l'acte de création, notamment pour Caspar David Friedrich, qui appuie son style romantique sur ce type d'images spectaculaires, avec des perspectives très larges, où l'homme semble dépassé par l'échelle de la nature. Or au XXsiècle, en résonnance avec l'Histoire de l'Allemagne, les artistes allemands font de la catastrophe un mode nouveau d'appréhension du monde. Disparition de la civilisation et retour aux origines (Urzeit) sont évoqués dans les installations de Joseph Beuys et d'Anselm Kiefer tandis qu'au moyen de larges panoramiques photographiques, Andreas Gursky et Walter Niedermayr insistent sur les menaces environnementales dans un monde globalisé. D'autres, enfin, comme Thomas Ruff, donnent à voir un environnement surveillé à l'aide de caméras à infra- rouge préfigurant la menace terroriste, tandis qu'Anne Wenzel ensevelie des carcasses d'objets sous un charbon dense.

Or comment ces univers visuels et ces expérimentations plastiques entrent-ils en résonnance avec des moments vécus comme de véritables catastrophes dans la mémoire collective? De quelle manière ces artistes d'après-guerre ont-ils incorporé dans leurs créations les destructions vécues lors de la Seconde Guerre mondiale ? L'« heure zéro » évoquée par certains d'entre eux, qui marque la fin de la Seconde Guerre mondiale suggère une tabula rasa, une catharsis ou même un deuil et repose radicalement la question de l'identité collective de l'Allemagne, amenant toute une génération d'artistes, Joseph Beuys en tête, à se positionner. Des livres de plomb endeuillés d'Anselm Kiefer aux héros déchus, tête renversée, de Georg Baselitz, nombreux sont les artistes allemands contemporains qui mettent en scène des ensevelissements, des effondrements et des morcellements. Pour Beuys, la catastrophe s'énonce en creux, à travers l'exposition de reliques. Il en va autrement pour Georg Baselitz, qui, à partir de 1989, date de la chute du mur de Berlin, entreprend plusieurs travaux directement liés aux souvenirs de la Seconde Guerre mondiale.

En nous appuyant sur la lecture d'ouvrages comme l'Esthétique de la catastrophe : essai sur l'art et la catastrophe de Michel Ribon, Ruines : représentations dans l'art de la Renaissance à nos jours de Michel Makarius ou en regard de l'exposition Face à l'histoire, 1933-1996 : l'artiste moderne devant l'évènement historique, nous interrogerons non seulement la notion de risque dans l'art contemporain, mais surtout la formulation plastique d'une catastrophe, ressentie, éprouvée ou suggérée dans des pratiques artistiques variées. Mais de façon plus large, nous engagerons une réflexion sur les stratégies visuelles expérimentées par les artistes, qui amènent à penser notre relation au monde sous le prisme d'une force menaçante ou d'une angoisse paralysante, dont il faut éprouver les effets.


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