AGES

 

 Catastrophes, menaces et risques naturels

Natur und Umwelt: Risiken, Gefahren und Katastrophen

 

Congrès de l'AGES  -  10-12 juin 2021  -  MSH Clermont-Ferrand

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Derrière la vitre : une lecture écopoétique de Die Wand de Marlen Haushofer
Rosanna Gangemi  1  
1 : Université libre de Bruxelles / Université Sorbonne Nouvelle Paris
Université Libre de Bruxelles

Paru en 1963 et traduit en 1985 en français, réédité de nombreuses fois, objet d'une attention grandissante, Le Mur invisible (Die Wand) est le roman le plus connu de Marlen Haushofer (1920- 1970). Il raconte l'histoire d'une femme qui part en vacances dans la campagne alpine et se retrouve isolée, piégée derrière une paroi transparente et infranchissable qui l'empêche de descendre dans la vallée, où tout être humain semble pétrifié, suite à un événement surnaturel, peut-être une catastrophe nucléaire. Cette condition inexplicable et extraordinaire lui fait effleurer la nature profonde des choses et finit par donner un nouveau sens à son existence.

Le monde de l'autre côté du mur de verre, à l'instar des nombreuses fenêtres qui parsèment les autres récits de l'écrivaine, comme objet de connaissance est vaine : la narratrice s'enfonce dans son for intérieur, pour parcourir les territoires tourmentés de sa propre intimité. D'où la nécessité de fixer, à l'aide de l'encre et du papier, le réel qu'elle croit avoir connu, ainsi que le sens crypté du fantasme et du rêve, afin que le regard « intérieur » ne divague pas, que la mort ne survienne pas avant et, surtout, « pour ne pas perdre la raison ». Si un certain sentiment de constante oppression (Bedrückung), un malaise social et existentiel se faisant « malaise de civilisation » imprègne la littérature autrichienne de la deuxième moitié du XXsiècle, Le Mur invisible peut être aussi considéré comme un plaidoyer écoféministe à la portée universelle et un archétype des romans survivalistes au féminin (« J'avais acquis le droit d'oublier ma condition. ... je devenais quelqu'un de très âgé, sans sexe défini »).

Cette citadine, dont on ne connaît pas le nom, elle détaille son apprentissage d'une vie autarcique, au rythme des saisons (ici, encore plus que dans les autres récits de Marlen Haushofer, une critique de la civilisation est sous-jacente). Prise entre le labeur quotidien pour la survie, les animaux progressivement recueillis - copains et alliés -, les cultures, la chasse, les intempéries, ainsi que les réflexions sur sa place de femme dans le monde d'avant, c'est la ré-génération de cette neo- Robinson moderne au centre du récit, qu'on pourrait définir de Bildungsroman, tandis que les causes de la catastrophe perdent rapidement toute importance.

Avec l'intention d'établir des liens inédits, d'autres expériences-limites de ce genre seront fait dialoguer, et notamment Dissipatio H. G. de Guido Morselli, Dans la forêt de Jean Hegland et Trois fois la fin du monde de Sophie Divry, roman ouvertement inspiré de Die Wand.


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