Les études portant sur la notion de catastrophe ont montré à plusieurs égards en quoi elle était avant tout une construction : les manifestations discursives de la catastrophe contribuent à mettre en récit des événements « insaisissables » (Mercier-Faivre et Thomas 2008) et à façonner des représentations aux enjeux sociaux, politiques et médiatiques (Durand et al. 2017). Tel est notamment le cas des discours sur le changement climatique qui peuvent se vouloir préventifs, se faire alarmistes, culpabilisateurs ou encore sceptiques à l'égard d'une « catastrophe » climatique imminente. La représentation d'une « catastrophe » climatique à l'époque moderne illustre bien la sécularisation de la catastrophe initiée au xviiie siècle dont la responsabilité n'est plus imputable à une divinité, mais à une activité humaine dérégulée (Habscheid et Koch 2014). On comprend alors mieux les enjeux discursifs pour convaincre d'éviter la catastrophe, pour la nier, ou dire la fragilité des civilisations.
Notre propos portera ici sur un type de construction discursive relativement nouveau, celui des textes de fact-checking, un genre textuel émergent (Rabatel 2014, Dias à paraître) qui met en scène des modes de vérification de l'information. Leur dimension métatextuelle présente l'intérêt de confronter deux représentations opposées, l'une étant considérée comme potentiellement erronée voire trompeuse, l'autre comme factuelle donc irréfutable. À partir d'un corpus de textes portant sur le changement climatique, extraits du site spécialisé dans le fact-checking mimikama.at, nous chercherons à déterminer les modes de représentation de la catastrophe dans cette forme de vérification de l'information. Pour déterminer la crédibilité et l'efficacité de l'activité de fact-checking, nous procéderons à une analyse des procédés argumentatifs et des configurations textuelles mises en œuvre. Nous montrerons plus généralement que la question de la (dé)construction discursive de la catastrophe revêt des enjeux de lutte de pouvoir et de légitimité de la parole médiatique.
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Références bibliographiques
Dias Dominique (à paraître). « Le fact-checking : un nouveau genre textuel pour lutter contre la désinformation ? ». Actes du colloque Fake news, rumeurs, intox... Stratégies et visées discursives de la désinformation, Université de Pise, 4 et 5 octobre 2018.
Durand MarieLaure, Lefevre Michel et Prak-Derrington Emmanuelle (eds.) (2017). « Crises et catastrophes. De la mise en discours à l'argumentation », Cahiers d'Études Germaniques, n° 73.
Habscheid Stephan et Koch Lars (2014). « Einleitung: Katastrophen, Krisen, Störungen », Lili Zeitschrift für Literaturwissenschaft und Linguistik, n° 173, p. 513.
Mercier-Faivre AnneMarie et Thomas Chantal (eds.) (2008). L'invention de la catastrophe au XVIIIe siècle : du châtiment divin au désastre naturel. Genève : Droz.
Rabatel Alain (2014). « La rubrique Intox / désintox de Libération. Nouvelle rubrique, nouvelle pratique journalistique, voire nouveau genre ? », in M. Monte, & G. Philippe (eds.) Des textes aux genres, Hommages à Jean-Michel Adam. Lyon : Presses universitaires de Lyon, p. 103116.