[Contexte] Si les situations de catastrophes, qu'elles soient économiques, financières ou environnementales, alimentent régulièrement les travaux en analyse du discours – tant en France que dans l'espace germanophone – c'est le plus souvent à partir des discours publics (ceux des hommes politiques, des institutions, des organisations), des discours médiatiques, en particulier la presse écrite, ou de plus en plus à partir de sources numériques natives comme les forums et les blogs ou encore les réseaux sociaux. En parallèle à cela, les travaux sur les langues dites « de spécialité » restent encore trop souvent cantonnés à des approches terminologiques qui, telles celles des années 1970-80, réduisent « le spécialisé » au lexique, alors même que les spécialités, en tant que principe de catégorisation des connaissances régissant la réalité extralinguistique, se construisent dans et par des discours spécialisés tout à fait à même d'être abordés, eux aussi, dans leur épaisseur socio-discursive incluant la dimension diachronique.

[Problématique] C'est précisément par cet angle d'attaque que la présente proposition cherchera à analyser linguistiquement les discours autour des catastrophes météorologiques – entendues ici, conformément à la définition usuelle dans le domaine de spécialité visé, comme des épisodes de « conditions extrêmes » (températures, précipitations, vents). La perspective adoptée vise ainsi à dépasser :

1) les discours contemporains sur le réchauffement climatique en s'intéressant aux discours sur des évènements enregistrés dans la seconde moitié du XIXème et la première moitié du XXème siècle ;

2) les discours habituellement convoqués et mentionnés précédemment pour interroger au contraire les discours produits par la discipline météorologique elle-même enregistrant et mettant en discours, au jour le jour, les évènements naturels.

[Données et méthodologie] L'étude repose sur un double corpus spécialisé, limité à l'espace suisse germanophone, et croisant d'une part le Schweizer Wetterarchiv mettant à disposition pour une recherche plein-texte les Annales depuis 1864, et d'autre part les données textuelles et statistiques (deskriptive Daten) de la base EuroClimhist interrogeables à partir de requêtes multicritères permettant un haut degré de granularité dans l'extraction. Les séquences isolées comme « évènements extrêmes » donnent ensuite lieu à un double traitement quantitatif et qualitatif sous TXM.

[Discussion] L'analyse se focalisera, sur un empan d'environ un siècle, sur la tension inhérente à ces relevés entre d'une part la description objective des phénomènes à travers les dénominations terminologiques, souvent considérées comme neutres et objectives, des évènements eux-mêmes et de leurs instances constitutives, et d'autre part leur perception et évaluation par les locuteurs qui en envisagent les conséquences sur divers aspects de la vie quotidienne.